Les Français adoptent la sieste espagnole

La sieste à l’honneur sur RFI dans le programme hispanophone Paris-America …

http://www.espanol.rfi.fr/americas/20160115-los-franceses-adoptan-la-siesta-espanola
à partir de la 7e minute

par Asbel Lopez
Cécile Henry, sophrologue
Dr Joaquin Teran Santos, président de la Société Espagnole du Sommeil
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Traduction de l’émission

RFI espanol – Paris-America – 15/01/2016 – Asbel Lopez, Dr Terán Santos, Cécile Henry

Se déconnecter pour dormir au milieu de la journée de travail est une pratique qui a de plus en plus d’adeptes en France. La sieste n’est pas seulement une pratique agréable mais aussi un outil de santé publique. Les Espagnols, à qui on en attribue la paternité, le savent depuis longtemps ainsi que les Latino-Américains qui l’apprécient beaucoup. Nous allons évoquer ce sujet avec une sophrologue française de Lyon qui préconise la pratique de la sieste sur le lieu de travail : Cécile Henry est avec nous en studio. Bienvenue à Paris America ! Le docteur Joaquin Terán Santos sera également avec nous, président de la Société Espagnole du Sommeil.

Le manque de sommeil provoque stress, fatigue, altération de l’humeur, baisse de la concentration et des défenses immunitaires. Et inversement, prendre en compte le sommeil et bien dormir est bon pour la santé et également un des petits bonheurs de la vie. […]

Cécile Henry, vous avez créé dans le centre-ville de Lyon un lieu où les gens peuvent venir faire la sieste. [ …]
On dit souvent que nous avons besoin en moyenne de 8h de sommeil par nuit pour une bonne récupération, avec des variations individuelles. Combien d’heures les Français dorment-ils en réalité ?

CH : Moins de 8h en effet : les dernières études de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance montrent que nous dormons en moyenne 7h par nuit en France et que l’on a perdu 1h30 de sommeil par nuit en 50 ans.

AL : A Madrid, Dr Terán Santos, y a-t-il des chiffres sur le nombre d’heures de sommeil en Espagne ?

Dr TS : Oui, les chiffres officiels de notre Ministère de la Santé donnent une moyenne de 6h à 6h30 par nuit, ce qui signifie que nous sommes dans une situation plus critique que nos amis français. Et 30% de la population espagnole présente un manque, un déficit de sommeil avec toutes les conséquences que cela implique.

AL : On dit que les heures non-dormies sont des heures perdues. Si nous ne dormons pas suffisamment, nous accumulons ce qui s’appelle une dette de sommeil : celle-ci se ressent sous forme de fatigue résiduelle au réveil et en milieu de journée avec des signes de somnolence. La sieste peut être une solution, Dr TS, à cette fatigue ?

Dr TS : La sieste correspond à un événement physiologique à un moment de la journée où nos changements biologiques nous prédisposent à la somnolence ; sa pratique est très satisfaisante pour le bien-être mais aussi très récupératrice. […]

AL : Cécile Henry, ici en France, l’auteur d’un livre qui défend la sieste, le docteur Bruno Comby, raconte qu’il se cachait de ses collègues pour faire la sieste, dans un parc, fermé dans son bureau, dans sa voiture ou même aux toilettes… Pas besoin de cela à Lyon, parce que vous recevez les gens dans un endroit dédié à la sieste : comment une sieste entre midi et deux permet-elle de récupérer, c’est une façon de se recharger en énergie comme si on commençait une nouvelle journée ?

CH : Tout à fait, c’est une façon de recharger ses batteries comme on le fait avec son téléphone lorsqu’il est vide ! Et d’autant plus que nous présentons ce déficit, cette dette de sommeil. Elle permet également une équation intéressante : après une nuit courte de 6h, l’ajout d’une sieste de 20 mn dans la journée permet de récupérer sur les 24h les bienfaits d’une nuit de 8h, et d’optimiser ainsi son temps ! C’est ce que l’on appelle le sommeil biphasique du fait de la répartition du sommeil en 2 épisodes de sommeil par 24h.

AL : C’est également ce que font les navigateurs en solitaire ?

CH : Exactement ! Ils utilisent alors un des types de sommeil polyphasique (avec plusieurs épisodes de sommeil), le type le plus extrême, qui compte 6 siestes de sommeil de 20mn en 24h et pas de nuit au sens classique du terme parce que leur activité ne le leur permet pas.

AL : Dr TS, on attribue l’origine de la sieste aux Espagnols, êtes-vous personnellement un adepte de la sieste ?

Dr TS : […] Pas aussi souvent que je le souhaiterais ! Sur cette notion de sommeil polyphasique, rappelons que les moines dormaient en 2 périodes de sommeil pour se lever à 4h pour les matines. Et s’il peut y avoir une adaptation biologique des rythmes de sommeil, le sommeil doit viser une qualité qui corresponde aux cycles naturels. La fonction biologique du sommeil est primordiale et son altération peut causer des troubles importants sur la santé, sur l’humeur mais aussi sur le système cardio-vasculaire ou le développement de tumeurs. […]

AL : Donc un bon sommeil et une bonne santé seraient liés ?

Dr TS : Tout à fait, un sommeil de bonne qualité est essentiel pour une bonne santé. D’où la nécessité que les prestataires de santé s’efforcent à sensibiliser sur la qualité du sommeil dans les différentes étapes de la vie.

AL : Cécile Henry, vous recevez des gens dans le centre-ville de Lyon qui veulent faire une sieste réparatrice. Voyez-vous voyez des changements chez ces personnes qui viennent régulièrement dans votre centre ?

CH : De fait, ce sont des gens que je connais assez peu car ce que je leur offre, c’est un endroit où ils puissent se retirer tranquillement de leur journée de travail. Mais je les voie régulièrement et en perçois un peu plus sur leur façon de vivre : je pense notamment à 2 personnes qui viennent souvent après une nuit courte ou difficile, et une autre qui a des enfants petits et a besoin de récupérer de ses nuits souvent coupées.

AL : Dr TS, la vie moderne paraît assez peu adaptée au sommeil, car il y a beaucoup de stress mais aussi de sollicitations par les connections et les écrans. Ceci, ainsi que la pollution sonore, rend le sommeil difficile parce qu’il est de plus en plus difficile de trouver du calme justement.

Dr TS : Effectivement, une des caractéristiques de nos sociétés est que nous avons décidé qu’attaquer le temps de sommeil revient à pouvoir continuer à gagner plus d’argent. De ce fait, le temps de sommeil qui au niveau biologique, scientifique et administratif n’a pas encore intégré sa fonction capitale sans laquelle il est impossible de vivre, peut être raccourci. En témoignent toutes les personnes qui travaillent de nuit ou en 3×8 tournants, sans aucun respect pour les rythmes biologiques, et la nécessité de raccourcir le sommeil pour produire plus. La seule chose qui nous fait réagir parfois est que le fait que mal dormir peut avoir des effets énormes sur la sécurité et la réalité d’accidents extrêmement importants comme ceux de Tchernobyl ou de l’Exxon Valdez, directement en lien avec le manque de sommeil des personnes responsables de ces opérations.

AL : Dr TS, depuis le début de l’émission, Cécile Henry appuie entièrement ce que vous dites et encore plus sur ce point « moins de sommeil, plus d’argent ». Cécile Henry, vous êtes d’accord avec ce que dit le Dr TS ?

CH : Oui, tout à fait. De nos jours, en France et dans nos sociétés occidentales soi-disant avancées, nous avons un problème avec l’inactivité et l’inoccupation, synonymes de moindre productivité, qui peuvent paraître suspectes… Et il me semble que nous arrivons ainsi aujourd’hui à un extrême car si nous ne pouvons pas dormir suffisamment, nous compromettons grandement nos journées !

AL : DR TS, il y a pour vous une sieste positive et une sieste négative à partir d’une certaine durée. Le temps recommandé pour une sieste est selon certains de 15 mn, 20 mn… 26 mn pour la NASA : et pour vous ?

Dr TS : Il y a une sorte de consensus sur une durée pas trop longue : 20, 30 ou 40 mn pour une récupération efficace, en cohérence avec les modifications biologiques de ce moment de la journée. Les siestes beaucoup plus longues (royales) apparaissent lorsque l’on est en manque important de sommeil. Attention au fait que certaines d’entre elles peuvent cacher une somnolence diurne excessive et parfois pathologique, d’apnées du sommeil, de narcolepsies ou d’autres troubles de type neurologique.

AL : Cécile Henry, vous voulez peut-être ajouter quelque chose ?

CH : Effectivement, rappelons que la durée d’une sieste de 20 à 30 mn utilise les premières phases d’un cycle de sommeil, le sommeil léger, d’où il est facile de sortir. Au-delà de 30 mn, on entre dans un sommeil profond d’où la remontée sera plus longue et plus difficile, ce que l’on appelle l’inertie du sommeil.

AL : Dans la préface d’un livre sur la sieste, l’ex-président Jacques Chirac explique que la mauvaise réputation de la sieste est due au fait que l’on confond sommeil et paresse. […]. Néanmoins, il explique que la sieste offre des heures nocturnes d’efficacité supplémentaires; est-ce bien cela Dr T S ?

Dr TS : […] Il s’agit surtout du fait que notre rythme de sommeil est à la base lié à l’alternance jour/nuit. Ainsi, ce rythme que nous cassons beaucoup, surtout en Espagne avec un décalage très important avec nos voisins […], a une grande élasticité : pour certains, le comportement lié au sommeil peu évoluer. Certains travaillent mieux le soir, d’autres travaillent mieux le matin parce que leurs profils biologiques sont plutôt du soir ou du matin : certains hibou, d’autres alouettes selon l’expression espagnole ! Jacques Chirac est probablement du soir. Avec une sieste qui lui apportait de l’énergie, son efficacité était meilleure en fin de journée. Nous devons surtout essayer de lier notre rythme, notre programmation biologiques, avec le rythme naturel du jour et de la nuit. Aujourd’hui, nous pouvons déterminer, par des études, nos profils et nos phases de meilleure efficacité. En les perturbant, notamment par la lumière artificielle, nous encourageons l’apparition de troubles et de manque de sommeil.

AL : Vous mentionnez le cas des personnes qui travaillent de nuit ; ces pratiques affectent grandement le sommeil, car cela va contre notre rythme naturel, n’est-ce-pas ? La sieste est-elle également recommandée aux personnes qui travaillent la nuit ?

DR TS : Dans ceux qui travaillent de nuit, il y a des gens à qui cela convient mieux du fait de leur programmation génétique avec une meilleure efficacité en fin de journée. Mais en réalité, la question du travail nocturne n’est pas un problème de profil biologique mais bien une invention de la société : une nécessité, une condition pour produire, pour travailler et pour gagner de l’argent. D’où la nécessité de définir les bonnes pratiques et les comportements adéquats, de sensibiliser sur les habitudes et l’hygiène du sommeil si l’on travaille de nuit, de consulter les spécialistes du sommeil […] et considérer le sommeil comme quelque chose de central et non pas d’accessoire. Si quelqu’un travaille de nuit et se lève le matin pour emmener ses enfants à l’école, ou qu’il y a du bruit chez lui, qu’il dort 4h […], ce n’est pas ok. Pour moi, ce ne serait pas ok de me retrouver avec ce type de personne sur l’autoroute au cours de la journée. Ces notions sont très peu respectées et nous, médecins, sommes peu consultés sur le sujet du sommeil.

AL : Alors ce sont peut-être des arguments pour nous, pour chacun de nous, ici et en Amérique Latine, pour aller réclamer auprès de nos employeurs un endroit pour faire la sieste. Cécile Henry, quels sont les arguments pour les patrons selon lesquels ils peuvent et doivent organiser des endroits pour une pause récupératrice ?

CH : Je vois 2 arguments principaux. Le premier, c’est que nous «perdons» 1h à 1h30 tous les jours en début d’après-midi par manque d’efficacité à ce moment critique et que ces heures pourraient être plus productives avec des employés reposés. Le 2e, c’est que le moment où la somnolence apparaît et que la sieste se propose à notre organisme tombe en général au moment de la pause méridienne, ie sur un temps personnel et non professionnel, ce qui peut faciliter les choses…

AL : De plus, les employés qui se reposent sont plus tranquilles, plus calmes, plus sains.

CH : Plus créatifs aussi ! Et que tout cela peut encourager une meilleure ambiance de travail.

AL : Dr TS, vous connaissez une entreprise en Espagne qui aurait installé des espaces de sieste ?

DR TS : Pas vraiment…parce que ce concept n’existe pas ici. Peut-être en Europe, je me souviens d’avoir vu à l’aéroport à Francfort des cabines où l’on peut dormir, ce qui me paraît très bien !

AL : Nous espérons que cela incite à installer plus d’espaces de sieste partout !

Santé : faire la sieste pour mieux travailler

Au JT de France 2 le 14/12/2015 :

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Santé : faire la sieste pour mieux travailler

Elle est souvent perçue comme de la paresse ou comme du temps perdu. Mais c’est faux. Les études de la Nasa montrent qu’une sieste de vingt-cinq minutes rend les pilotes plus alertes et plus performants. France 2 a mené l’enquête.

Mis à jour le , publié le

C’est devenu à la mode  : dormir pour mieux travailler. Se laisser aller cinq minutes, quinze minutes ou une heure est un petit plaisir qui n’a pas d’âge, pas ni de saison. Mais sieste rime-t-elle avec paresse ? Est-ce une perte de temps ou un gain d’énergie ? Une assistante de gestion qui fait sa sieste de dix minutes chaque jour sur son lieu de travail témoigne : « C’est très important, je me sens plus calme au travail et plus efficace. » Ici, la salle de sieste a ouvert il y a deux ans sur sa demande,. Elle était lassée d’avoir à se cacher pour dormir.

Des bars à sieste

Une sieste quotidienne permettrait d’augmenter sa productivité de 30%. Mais sans lieu dédié à la sieste, comment peut-on se reposer ? Une simple chaise peut suffire si l’on est installé confortablement. Des siestes de vingt minutes maximum : c’est de cette manière que les navigateurs gèrent la fatigue. Ils tiennent des dizaines de jours sans dormir.

Certains font même commerce avec la sieste. Dans certaines villes, des bars à sieste ont ouvert, proposant fauteuils relaxants ou chauffants : 50 minutes pour 16 euros. Faire la sieste, ce serait bien un gain d’énergie. Napoléon, par exemple, avait fait de la sieste une activité régulière.

Un café avant la sieste

Comment le café peut vous aider à une bonne sieste ?

On pourrait croire a priori qu’ingérer de la caféine n’aide pas vraiment à dormir. Et que si on veut faire une sieste rapide, la dernière chose à faire serait de boire un café serré.

Or, selon plusieurs études scientifiques dont les enseignements sont mis en scène dans cette vidéo faite par Vox, c’est exactement cela qu’il faut faire si on veut pleinement profiter d’un repos rapide et en ressortir avec davantage d’énergie. L’équation trouvée par Vox se résume ainsi : un « café sieste » vous donnera plus d’énergie qu’un café ou une sieste séparément.

En effet, la durée idéale d’une micro-sieste correspond au temps nécessaire à la caféine pour pénétrer dans le système sanguin, atteindre le cerveau et donc entrer en action.

Boire une tasse de café avant de s’abandonner pour une sieste de 15 à 20 minutes permet donc d’optimiser un bon réveil !

Comment ça marche… au plan chimique :

Pendant votre sieste, l’adénosine, un nucléoside produit par l’activité du cerveau et dont l’accumulation donne un sentiment de fatigue, disparaît peu à peu. L’adénosine est normalement fixée à des récepteurs. Une fois disparue, la molécule est remplacée par la caféine, qui bloque de fait l’accès à certains de ces récepteurs.

Résultat : après 15 à 20 minutes de sieste, les molécules de caféine viendront tout juste de se fixer à plusieurs récepteurs de votre cerveau, vous donnant un coup de fouet au réveil, et empêchant l’adénosine d’atteindre ces mêmes récepteurs.

Pourquoi la sieste ?

shutterstock_100501240reduitDormir est un des besoins basiques, physiologiques, de notre système humain.

Si notre organisme peut être privé de nourriture pendant plusieurs semaines, l’empêcher de dormir est très rapidement dangereux : dès 36 à 48h d’éveil consécutif, des effets tels que des hallucinations commencent à apparaître, et l’on estime le risque de mort entre 6 et 10 jours de privation de sommeil.
D’où le peu d’expériences menées dans ce domaine.

Pourquoi ? Tout simplement parce que nous ne pouvons pas stocker le sommeil.

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, la durée d’éveil consécutif a des effets immédiats et visibles sur notre vigilance au quotidien : 18h sans dormir (une journée de 7h à 1h du matin par ex : ça nous arrive régulièrement !) et nous avons les mêmes risques accidentels que si nous étions au taux limite des 0,5g / l de sang…
Se lever tôt pour prendre la route des vacances avant les bouchons… : du temps gagné, vraiment ? La sécurité routière l’a bien compris, qui communique désormais sur ce thème lors de tous les grands départs.